Statuquo : ou le regard de Hamideddine Bouali sur l'expo Postcards From Tunisia

J’aime les défis, et c’est pour cette raison que j’ai demandé à Wassim Ghozlani s’il me permettait de signer ce texte. Qui n’est ni une description de son travail, irréductible à un ensemble de mots, ni un texte critique, car les images exposées me semble être plus une proposition de visions  que des photographies définitivement mise sous cadre.

Statuquo : ou le regard de Hamideddine Bouali sur l'expo Postcards From Tunisia

Postcards From Tunisia est une série de regards où se mêlent les émotions les plus élémentaires aux réflexions les plus recherchées. Mais toutes ces images ont au moins deux points communs, le carré du format et l’impression suspendue de fin !


On sait que le carré est une des formes les plus stables, posé-le sur une feuille à dessin, il n’aura aucune volonté de culbuter d’un côté ou vers un autre. Contrairement au turbulent triangle, à l’inattendu rectangle voir à l’inconstant cercle. Certains dirait que le carré est en apparence sage, car s’il pivote qui s’en rendrait compte ? Le photographe a bien fait de choisir cette forme pour y enfouir son évocation  des revers de cartes postales.


La désagréable impression de fin que surgit dans chaque recoins de ces photos est volontairement poussé à son comble. Fin des temps, fin de l’Age de la Tunisie version carte postale, fin de non-recevoir !


Comme s’il était muni d’une arme tout droit sortie d’un film d’anticipation, Wassim Ghozlani semble arrêter le temps, geler le mouvement, tétaniser le ciel, enchainer le vent, bloquer les nuages. Comme ces roses des sables que l’on enseveli dans un bloc de résine transparente, ces vues de Tunisie sont fondues dans du béton ! Il est rare de voir des images lourdes à un tel point que nous n’arrivons pas à les quitter des yeux !


Onze images. Onze - chiffre premier, bâtard car indivisible que par l’unité, ce qui ne compte pas, et par lui-même, suicide inutile – est un nombre toujours à la traine d’un autre. Une vision parcellaire, qu’il ne faut surtout pas rassembler, un vrai casse-tête, sans queue ni début…Chaque image est à voir à part, sortir de la galerie et ré-entrer pour voir la suivante. Chaque photo est rien et tout à la fois…à se demander comment trouve-t-il des scènes aussi inattendues ; une fusée en tôle d’une fête foraine abandonnée, un arbre qui ne cache aucune foret, des maisons isolées retenues au ciel par de frêles fils électriques…La moitié d’une vache qui a perdu son sourire. Postcards From Tunisia de Wassim sont un « Paris-Texas » bien de chez-nous…du Wim Wenders tous craché !


Le calme précaire du carré ajouté à l’atmosphère désagréable de veille de fin de monde, dénombré en onze propositions…On s’en sort avec un très lourd fagot sur le dos, et la sensation qu’il est impossible d’en faire une suite, pourtant c’est avec cette impression que l’on quitte toute les autres expositions ! Après la fin il ne peut y avoir qu’un point !

Biographie


Né dans le nord de la Tunisie, en 1986, Wassim Ghozlani est un photographe autodidacte qui vit et travaille à Tunis. Actif dans le domaine de la photographie depuis 2009, après une expérience de designer/graphiste, il a participé à plusieurs expositions en Tunisie et dans le reste du monde (États-Unis, Brésil, Mali, Slovénie, Allemagne, France, Égypte, Maroc, Espagne…)

En 2011, il obtient la mention spéciale du jury pour le Prix Arte/ Cutlog. En 2012, il est nominé pour le prestigieux prix Foam Paul Huf 20112 et obtient la Bourse AFAC Express de l’Arab Fund for Arts and Culture pour son web-documentaire « Taht Esour »

Hamideddine Bouali Photographe et Commissaire d’Exposition