La Tunisie à l'honneur de la 2ème Biennale des photographes du monde arabe

La Biennale des photographes du monde arabe contemporain à Paris consacre un focus sur la jeune photographie algérienne et un autre à la photographie en Tunisie.

La Tunisie à l'honneur de la 2ème Biennale des photographes du monde arabe

Ce sont incontestablement les deux points forts de cette deuxième édition qui vient d’ouvrir ses portes à Paris. Cinquante photographes exposent leurs images aussi sensibles que souvent subversives dans huit lieux différents, dont l’Institut du monde arabe (IMA), la Maison européenne de la photographie et la Cité internationale des arts et qui se tiendra du 13 septembre jusqu'à 13 novembre 2017.

En 2017, avec un focus sur la jeune photographie algérienne à la Cité internationale des arts et un autre focus sur la Tunisie à l’Institut du monde arabe, la Biennale souhaite rendre justice à deux pays '' qui se retrouvent souvent en marge de l’actualité photographique''.

La photographie tunisienne à l'Institut du monde arabe

'' Pour la Tunisie, on a voulu vraiment mettre en valeur la créativité extraordinaire des artistes tunisiens. Je pense cela sera une révélation pour beaucoup de gens, » affirme Jack Lang, président de l’IMA et créateur de la Biennale.

Olfa Feki, la commissaire du focus appelle à « une ouverture des frontières physiques et mentales à travers des travaux inédits pour s’éloigner au maximum des clichés. Chaque visiteur aura traversé et vécu les expériences des photographes exposés. ''

Noir s'appelle une série de séquences d'images de Mouna Karray. Sur ses photographies apparaissent seulement un corps accroupi, caché et le fil d’un déclencheur souple d’un appareil photo. Une métaphore pour la Tunisie cachée ? '' C’est un travail sur l’enfermement '' répond la photographie qui vit entre Sfax en Tunisie et Paris.

'' L’enfermement de l’être humain, d’un citoyen, d’une personne, de tout le monde. Je voulais exprimer cela à travers l’acte photographique. Donc, j’ai imaginé un corps et dans ce corps, il y a un mouvement et une volonté de se débattre. L’acte photographique devient un acte libérateur.

'' La situation des photographes en Tunisie reste précaire : '' On peut s’exprimer, mais le problème est la visibilité, les structures et le marché. Comment financer un projet, le rendre visible ? Pour cela, le focus sur la photographie tunisienne est très bien, parce qu’on n’est pas montré assez. ''

Sur les images imprégnées de noir de l’artiste photographe Douraïd Souissi, les personnages semblent s’enfuir du cadre ('' j’aurais aimé qu’il n’y a pas de cadre, mais un ciel noir énorme ''). Dans ses portraits de Tunisiens, assiste-t-on à une disparition ? '' C’est une disparition, mais paradoxalement peut-être aussi des retrouvailles, parce qu’il y a les masques qui tombent. Peut-être les personnages se retrouvent ainsi eux-mêmes ? Parfois, on a besoin de disparaître avant de se retrouver, de faire le vide. ''

L’artiste visuelle Héla Ammar travaille beaucoup sur le corps et l’identité de la femme : '' Je parle de ma propre expérience, du regard qui est posé sur nous et le regard qu’on pose sur nous-même. Donc je prends ici une identité multiple qui est façonnée aussi par ce regard occidental qui a été posé sur nous pendant très longtemps. ''

'' Cette femme qui vit sur une terre d’islam ''

Et de plus en plus d’artistes femmes dans les pays arabes se réapproprient ce regard et questionnent les identités.

On l’a vu avec le travail Mectoub de la photographe Scarlett Coten sur l’homme arabe, avec les portraits pertinents de la photographe Leïla Alaoui, avec les livres de l’écrivaine Leïla Slimani, mais aussi avec les images intrigantes de Rania Matar ici à la Biennale, les femmes créent de plus en plus des images sur le corps et les identités.

Elles redéfinissent le cadre et la réalité qui va avec : '' J’ai commencé à travailler sur les femmes en travaillant sur moi-même, remarque Héla Ammar, sur cette femme qui vit sur une terre d’islam, en Tunisie, qui incarne un carrefour de civilisations, qui est ouverte sur la Méditerranée, qui est africaine, arabe, donc qui est multiculturelle, donc multi-identitaire.

Parfois, mes images peuvent choquer. Surtout quand je parle du rapport du corps au religieux. Mes images provoquent des questions et souvent je laisse les gens y répondre par eux-mêmes. ''

Source : rfi.fr