L’association de la Rachidia est en pleine crise financière et lutte pour poursuivre son parcours entamé il y a 90 ans en vue de préserver la musique tunisienne authentique.
L’association de la Rachidia est en pleine crise financière et lutte pour poursuivre son parcours entamé il y a 90 ans en vue de préserver la musique tunisienne authentique.
Dans une interview accordée à l’agence TAP, le secrétaire général de la Rachidia, Taher el Habib, a parlé des difficultés qui entravent la bonne marche de cette prestigieuse institution dont la création remonte à 1934.
Le responsable s’exprime en prévision de la tenue de la neuvième édition de « Tarnimet » organisé par la Rachidia qui débutera ce soir, à son siège au cœur de la médina de Tunis. « Tarnimet » est une manifestation artistique ramadanesque programmée du 18 mars au 7 avril 2024.
Elle est actuellement en phase de “reconstruction” afin de préserver la bonne musique, a fait savoir l’interviewé, tout en rappelant les circonstances de sa création dans les années trente et son rôle précurseur dans la préservation de l’identité sonore tunisienne.
Cette association culturelle et artistique spécialisée dans la musique tunisienne tire son nom de Mohamed Rachid, le bey husseinite qui a beaucoup œuvré pour la préservation de la musique et de la chanson andalouses. La troupe musicale et la chorale de la Rachidia ont été créées pour sauvegarder la musique arabe originale et valoriser le patrimoine tunisien.
La Rachidia : des difficultés et des projets
Actuellement, la Rachidia connait des difficultés en raison de l’absence de soutien et du retard dans le décaissement de la subvention de l’Etat pour l’année 2023 », a déclaré le secrétaire général.
“Jusqu’à cette date, mars 2024, la Rachidia n’a encore reçu aucune subvention au titre de l’année précédente”, a expliqué Tahar el Habib tout en regrettant la baisse de la subvention allouée à la Rachidia. La contribution publique dans le budget de l’association était de 120 mille dinars, avant de passer à 60 mille dinars puis 80 mille dinars ce qui ne facilite pas la tâche à ses dirigeants.La Rachidia doit sa survie aux efforts de ses enseignants. « Malgré le manque des fonds, ils continuent leur mission d’encadrement et de formation, animés par leur ferme volonté à préserver la musique tunisienne », a-t-il dit. Il a aussi loué la contribution « des passionnés de la musique authentique, sans lesquels l’édition 2024 de “Tarnimat” n’aurait pas vu le jour.
A cet égard, il a annoncé que les grandes lignes d’un projet piloté par les membres de la Rachidia qui œuvrent pour la création d’une association en vue de consolider ses valeurs auprès de la jeunesse tunisienne. L’artiste Aman-allah Hermassi est largement actif afin de mettre en place ce nouveau noyau qui sera composée des étudiants de l’Institut Rachidia, et ce en prévision de la célébration du 90e anniversaire de la Rachidia qui sera l’occasion de commémorer et d’honorer l’œuvre des pères fondateurs.
Des personnalités ayant oeuvré pour la création de la Rachidia et la préservation du patrimoine sonore national seront à l’honneur. Le comité directeur envisage d’organiser une première exposition permanente au siège de la Rachidia dédiée au Dr Saleh el Mehdi (1925-2014), composée de documents et de photos inédits fournis par sa famille. Rappelons que l’édition 2023 de Tarnimet a été baptisée au nom de ce grand musicien et l’un pionniers de la Rachidia.
Un hommage sera également rendu aux Cheikhs ayant ouvert la voie à la fondation de la Rachidia dont Ahmed El Ouafi, décédé en 1921, qui a largement laissé son empreinte dans la consécration des Tbou’ tunisiens. «Ahmed El Ouafi est tout proche, sinon l’égal, de Zeriab du temps des Aghlabides ou de Cheikh Moonès El Baghdadi du temps des Fatimides, ou encore d’Omaya Ibn Abdelaziz du temps des Sanhajites» c’est ainsi que l’avait décrit le grand érudit, l’historien feu Othman El Kaâk.
Le rendez-vous ramadanesque « Tarnimet »
Organisée à l’initiative de l’Institut de musique Tunisienne, Tarnimet prévoit dix soirées avec une large variété d’expressions musicales tunisiennes en plus de deux soirées arabes. Le secrétaire général de la Rachidia a présenté les grandes lignes d’une édition ouverte à toutes les sonorités authentiques à travers des spectacles tunisiens et étrangers. La grande formation de la Rachidia assurera la clôture sous la houlette de maestro Nabil Zammit dans “Layali Zmen” (Nuits d’antan).
Baptisée session “Cheikh Mohamed El Ouafi”, Tarnimet 2024 est dédiée à la mémoire d’une grande figure littéraire et illustre musicien qui a marqué de son empreinte les plus belles pages de l’histoire du répertoire tunisien du Malouf au dernier quart du XIXe siècle et le premier quart du XXème siècle.
L’ouverture sera avec un spectacle de musique soufie de l’ensemble Abdullah Kaymak, considéré un groupe unique ayant pris racine en Turquie. Présent pour la première fois en en Tunisie, ce groupe sous la direction du Mauritanien Abdullah Kaymak combine les traditions musicales de l’Afrique et du monde arabe, puisant dans le répertoire musical des pays du Golfe, de la région du Maghreb, de la Syrie, de l’Irak, de l’Egypte et de la Libye.
Il y aura deux spectacles arabes, « Nafahet souriya » de l’artiste syrien installé en Tunisie Abdallah Marish « Entre les mers » de Ikbal Hamzaoui pour des fusions sonores latino-africaines et tunisiennes.
L’héritage musical régional sera présent dans des spectacles de Monastir et du Kef, avec “Kyouf Romdhan” sous la direction de Habib Marzouk et la troupe féminine “Lalla El kafia. Des spectacles des clubs de musique sont également à l’affiche.
Le secrétaire général de la Rachidia a fait savoir que certains spectacles de Tarnimet affichent déjà complet, tels que l’hommage à l’artiste égypto-syrien Farid Latrache (1910-1974). Ce virtuose du luth (oud) disparu il y a un 50 ans était auteur, compositeur et interprète.
Il a lancé un appel en vue d’offrir davantage d’intérêt pour la musique tunisienne authentique, tout en insistant que le rôle primordial des clubs de musique dans les régions qui militent pour la sauvegarde de l’héritage musical.
Le responsable de la Rachidia compte sur tous les acteurs culturels afin de préserver l’association en tant qu’acquis important qui constitue le gardien de la bonne parole et de la musique de qualité.
TAP.